Être militante racisée et queer à Montréal

J’ai eu la chance d’avoir un entretien électronique avec Karine-Myrgianie Jean-François, travailleuse communautaire et militante.

Voici un aperçu des pensées de Karine sur comment passer à l’action!

1-    Quels sont les sujets/problèmes qui te fâchent en ce moment? Penses-tu que ces sujets/problèmes sont adressés adéquatement?

Présentement, je vois beaucoup de personnes très privilégiées minimisant voire ignorant les réalités de personnes qui ne partagent pas les leurs. J’ai souvent entendu l’expression « micro-agression » pour les décrire et quand on les vit à répétition, je ne vois pas ce qu’elles ont de microscopiques. En fait, ces agressions que ce soit des commentaires et/ou des comportements sont horribles. En tant que femme noire queer, je reçois ces attaques racistes, sexistes et/ou homo/lesbophobes de la part de personnes bien pensantes qui ne perçoivent pas le tort qu’elles font ainsi que de personnes qui ne partagent aucune de mes valeurs. Étrangement, les premières attaques sont les plus dommageables, car ce sont parfois des personnes perçues par d’autres comme des alliées ou elles ont le potentiel de devenir des alliées. Cette semaine, le discours de Patricia Arquette lors de son acceptation du prix de la meilleure actrice de soutien a déchaîné les foudres de féministes heureuses qu’on parle « enfin » d’équité salariale même si c’est sur le dos des personnes issues des communautés racisées et/ou LGBTQIA sans compter que certaines femmes font partie de ces deux communautés.

Par ailleurs, l’exclusion de certaines luttes de mouvements sociaux plus importants me fâche. Que ce soit pour les personnes en situation de handicap qui luttent depuis des années pour l’accessibilité du transport en commun à Montréal ou pour les personnes trans* qui travaillent fort pour déconstruire certains mythes sur le genre ou pour les personnes noires qui rappellent que l’esclavagisme ait bel et bien eu lieu en Nouvelle-France, les personnes en situation de pouvoir médiatique, académique, militant et/ou politique vont ignorer voire dénigrer ces luttes comme étant peu importantes. Des personnes déjà marginalisées par les mouvements mainstream de justice sociale vont être exclues, car leurs enjeux ne seront jamais ceux considérés comme prioritaires.

2-    Quelle est ton approche lorsque tu délibères sur des solutions potentielles à ces problèmes?

Je crois beaucoup aux groupes d’affinités pour établir des enjeux prioritaires. Toutefois, il est important que ces groupes ne regroupent pas uniquement des féministes radicales blanches lesbiennes de classe populaire, car alors certaines perspectives vont être occultées. Toutefois, en ne devant pas expliquer pour la énième fois une réalité pourtant simple à comprendre quand on la vit, on peut partir sur d’autres bases et bâtir une communauté.

De plus, je crois encore aux grands mouvements collectifs tant qu’ils intègrent une analyse intersectionnelle dans leurs discours et actions tout en impliquant réellement une diversité de personnes à leur leadership. Ces mouvements larges ont une meilleure capacité de faire bouger les choses même si leurs enjeux prioritaires sont souvent ceux de la majorité de leurs membres.

3-    Quels sont les conseils que tu peux offrir à celles qui voudraient agir, mais se sentent  impuissantes?

Je me sens beaucoup plus forte quand je sais que je ne suis pas la seule à vivre ces frustrations et faire partie de communautés de personnes géniales m’aident à non seulement me sentir entourée et supportée, mais aussi capable de passer à l’action ensemble. Parfois, on se sent individuellement impuissant, mais ensemble, nous savons que nous avons raison et nous savons que nous sommes là les un.e.s pour les autres. Ces communautés peuvent être dans la ville où j’habite, une qui est peu plus loin ou encore en ligne, parfois elles se complètent, parfois certaines personnes font partie de plusieurs et parfois, non.

Créer des espaces sécuritaires pour nous où on peut être la personne qu’on souhaite être est une façon de prendre soin de soi et si je ne me sens pas bien, je ne peux agir. On peut faire la révolution, mais il ne faut pas oublier que l’amour et des communautés sont nos meilleures armes peu importe sur quoi on souhaite passer à l’action que ce soit en organisant une soirée pyjama pour femme trans*, un brunch pour personnes en situation de handicap ou un pique-nique pour personnes racisées ou une marche pour tout faire changer!

Kickaction.ca
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