Opération Séduction: Pride, pink money et commandites

Mon séjour à Toronto pour World Pride 2014 m’a confirmé que les parades de la fierté ont une pertinence indéniable. Dans une société où l’effacement des minorités sexuelles est toujours une réalité quotidienne, avoir une telle opportunité d’investir les rues pour nous faire voir et entendre est plus que nécessaire.  Mais quelle devrait être la place des commanditaires là-dedans?

Pour plusieurs, il s’agit de l’unique journée permettant de célébrer qui nous sommes et d’exposer la diversité de visages et de réalités dans notre communauté. Certains diront que l’exubérance et la nudité sont choquantes et inutiles, d’autres, que ce genre d’événement n’a plus sa raison d’être. Or, selon moi, toute représentation est une représentation nécessaire et valable.  Si quelqu’un peut assister à cet événement et repartir avec un sentiment d’appartenance et d’inclusion, cela me suffit.  L’espace d’un instant, la marge est la norme et elle est à l’honneur.

Devrait-on cependant s’empêcher de jeter un regard critique sur les célébrations de la fierté? Bien sûr que non! J’ai donc choisi de partager certaines de mes préoccupations ressortant de mon séjour à Toronto pour World Pride 2014. Certains aspects, tels que l’effacement des organismes communautaires au profit des grosses entreprises, ainsi que le marketing ayant pour cible l’argent rose ont particulièrement retenu mon attention.

Le milieu communautaire LGBT repose essentiellement sur le travail acharné de milliers de personnes afin d’en épauler d’autres à surmonter les obstacles, le coming out, l’isolement, la discrimination. Chaque jour, ces organismes travaillent d’arrache-pied et font des miracles avec peu de moyens financiers afin de continuer à offrir leurs services. Il me semblait donc extrêmement dommage de voir qu’ils étaient relégués au deuxième plan pendant la parade, autant en nombre de contingents qu’en termes de visibilité. Les chars allégoriques retenant le plus l’attention des spectateurs étaient invariablement ceux qui s’imposaient par leur aspect grandiose : musique, danseurs-ses, jets d’eau, matériel promotionnel lancé dans la foule…Difficile pour un petit organisme de faire concurrence à ces géants.

Ce dernier point m’amène à me questionner sur l’intention de ces entreprises se cachant derrière leur participation. Ce partenariat avec World Pride démontre-t-il une réelle ouverture de leur part face aux minorités sexuelles ou s’agit-il plutôt d’une technique de marketing élaborée? Comment pouvons-nous en tant que consommateur-trice discerner l’un de l’autre?

Il va sans dire que la communauté LGBT possède un pouvoir d’achat énorme, cela ayant causé l’apparition du terme pink money, ou argent rose, afin de décrire ce phénomène. L’année dernière, les célébrations de la fierté ont engrangé un impact économique de 286 millions1  pour la ville de Toronto. Estimé en 2012 à près de 790 milliards de dollars aux États-Unis2 et 100 milliards au Canada3,  l’argent rose agit véritablement  comme un incitatif de taille pour les compagnies, qui tentent par tous les moyens de séduire notre communauté. En effet, cette dernière, en grande partie composée de couples dits DINK (Dual Income, No kids ou Deux salaires, sans enfants), possède un revenu discrétionnaire élevé.

Mais au-delà de l’amour déversé sur la communauté LGBT lors des événements et dans les publicités, qu’en est-il des valeurs que ces compagnies incarnent au quotidien? Où se classent-elles par rapport à d’autres en ce qui concerne leurs politiques internes d’inclusion et de diversité? Le support offert à leurs employé-e-s leur permettant d’évoluer dans un milieu de travail ouvert aux différences est-il suffisant?

Toutes ces questions valent la peine d’être posées. En faisant affaire avec la communauté LGBT, les actions de ces entreprises devraient appuyer leurs paroles. Et nous devrions leur demander de nous rendre des comptes. N’oubliez pas : nous avons le pouvoir de les influencer.

 

 

Kickaction.ca
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